« Fukami, une plongée dans l’esthétique japonaise », Hotel Salomon de Rothschild, Paris, FR

Un voyage au coeur de 10 000 ans d’histoire
Hôtel Salon de Rothschild, Paris

du 14 juillet au 18 août 2018

À l’ère de l’anthropocène (changements environnementaux causés par l’anthropocentrisme), confrontées à la question du terrorisme et des migrations, la France et l’Europe cherchent à tâtons une nouvelle direction. Cette exposition est aussi un message du Japon en faveur de la coexistence du présent et du passé et du vivre-ensemble. Son titre, « Fukami » – une plongée dans l’esthétique japonaise, enjoint les visiteurs à dépasser les clichés existants pour s’immerger sans les profondeurs de la véritable essence de l’esthétique japonaise. L’espace d’exposition est donc conçu de façon interactive, afin que le public puisse éprouver les liens créatifs entre des œuvres très différentes. Les œuvres exposées au sein de ce magnifique bâtiment français du 19e siècle couvrent 10 000 ans d’histoire. La conception de l’espace a été confié à l’agence d’architecture SANAA. Les interactions entre les œuvres et le bâtiment, tout en transparence et en flottement, annulent leurs origines, guidant les visiteurs dans un espace de pur dialogue avec les objets. Cette scénographie interactive qui traverse les âges et les pays en juxtaposant œuvres anciennes et contemporaines d’une part, japonaises et occidentales d’autre part, invite un voyage qui apporte de nouvelles perspectives et de nouveaux regards sur le monde. Cent pièces créées par 25 artistes sont exposées, avec « l’expression du vivant » pour fil conducteur.

Tout comme le japonisme du 19e siècle a eu un fort impact sur Paris et sur l’Europe, cette exposition est une occasion de favoriser le tissage de liens variés et stimulants et de suggérer que des imaginations diverses peuvent entrer en résonance, de nos jours, en 2018. (extrait du texte)

YUKO HASEGAWA, commissaire de l’exposition

avec les oeuvres de  

Anrealage, Hakuin Ekaku, Justine Emard, Enku, Paul Gaugain, Sengai Gibon, Jômon, Noriyuki Haraguchi, Ryo Hiraoka, Katsushika Hokusai, Seiha Kurosawa, Azuma Kanako & Hideki Umezawa, Daito Manabe, Ryohei Miyata, Kohei Nawa, Pablo Picasso, Isson Tanaka, Min Tanaka, Anne-Laure Sacriste, Shinichi Sawada, Sanaa, Yoshihiro Suda, Hiroshi Sugimoto, Lee Ufan, Shinji Ohmaki, Shibata Zeshin…


 

Co(AI)xistence, Justine Emard (1987)

vidéo 12′, 2017
avec Mirai Moriyama (1976) et Alter (programmé par le laboratoire de Hiroshi Ishiguro, Université d’Osaka et le laboratoire de Takashi Ikegami, Université de Tokyo)

En 2016, l’artiste plasticienne française Justine Emard et l’acteur et danseur japonais Mirai Moriyama ont débuté leur collaboration par la création de Reborn, un dialogue entre deux entités, humaine et non-humaine (robot), à travers leurs mouvements et pensées articulés dans une installation vidéo multi-écrans.

Cette nouvelle œuvre, Co(AI)xistence (2017), dont le protocole de réalisation s’approche d’une expérience scientifique, crée une interface entre les données numériques et la motricité humaine à travers le langage sensible de l’art.

Justine Emard a mis en scène l’interaction entre Mirai Moriyama et le robot Alter, animé par une forme de vie primitive basée sur un système neuronal, une intelligence artificielle (IA) programmée par le laboratoire de Takashi Ikegami (Université de Tokyo), dont l’incarnation humanoïde a été créée par le laboratoire de Hiroshi Ishiguro (Université d’Osaka). Son apparence minimale autorise une projection émotionnelle, en ouvrant un espace pour l’imagination.

Dotés d’intelligences différentes, l’humain et le robot dialoguent à travers les signaux de leurs langages respectifs, tant corporel que verbal. En utilisant un système d’apprentissage profond non anthropomorphique (Deep Learning), le robot peut apprendre de sa rencontre avec le danseur.

Exister suppose que l’on est dans la réalité et/ou vivant. A travers une expérience partagée, l’humain et le robot tentent de définir de nouvelles perspectives de coexistence dans le monde.

Justine Emard, artiste française, Lauréate du programme de résidence Hors-les-murs 2017 de l’Institut Français, Paris & lauréate de la bourse “Brouillon d’un rêve Pierre Schaeffer”, SCAM, Paris
Sous titres français: Aya Soejima
Sous titres anglais: Kenta Koga
Musique originale: Marihiko Hara
Special thanks to Gakko inc, Miraikan : The National Museum of Emerging Science and Innovation, Hiroshi Ishiguro, Takashi Ikegami, Kohei Ogawa, Itsuki Doi, Masatoshi Shimizu.

Œuvre lauréate du prix HUMAN FUTURE des BAINS NUMERIQUES#10 – Biennale internationale des arts numériques d’Enghien-les-Bains

HYBRIDATION – COEXISTENCE

 

Comment entrer en relation et vivre en symbiose avec l’autre et le non-humain? Il ne s’agit pas cette fois de cette recherche constante de l’harmonie ou du collectivisme impersonnel, souvent attribué aux Japonais.

Il existe chez les Japonais une souplesse ambiante de l’identité personnelle, qui ne résiste pas à s’ouvrir à l’autre et à se transformer, comme un système qui utiliserait les circuits du corps pour renouveler la connaissance et l’image de l’étranger sans se préoccuper du contexte original. Les différents aspects de ce penchant animiste du lien organique avec le non-humain, des échanges et de la fusion avec l’animal, le robot et la culture étrangère, sont ici rendus visibles sous une forme contemporaine à travers les corps.

Le rapport entre l’homme et les technologies numériques en est un bon exemple. dans l’anthropocentrisme occidental, l’homme et la machine sont deux choses distinctes. Contrairement au Japon, aux fondements animistes, où il est naturel que l’homme et la technologie (machines, intelligence artificielle) fusionnent de façon organique. Racontée dans la légende de Pygmalion, il y a en occident cette idée qu’un esprit particulier est insufflé au corps, que le corps et l’esprit sont une seule et même chose. au Japon, le corps n’est qu’un récipient possible pour l’âme (une marionnette ou une coquille), « l’âme/esprit » peut se déplacer librement d’un corps à l’autre, qu’il soit animal ou machine. c’est ce qui est montré dans le film d’animation de mamoru oshii Ghost in the Shell.

L’œuvre vidéographique Co(AI)xistence, de Justine Emard avec Mirai Moriyama, se base sur une performance expérimentale. L’œuvre montre l’échange mutuel du robot alter, développé par la collaboration des laboratoires des chercheurs en intelligence artificielle Takashi Ikegami et hiroshi ishiguro, et du comédien-danseur Moriyama. le design d’alter prend pour modèle les neurones humains, il intègre un système générant des mouvements cycliques instables et le cPg (central Pattern generator), réseau neuronal artificiel créant des perturbations. Influencés par les informations concernant la température, les bruits, ou les mouvements environnants obtenues par des capteurs, les mouvements du robot créent une réelle ambiguïté car ils semblent se produire de façon autonome.

Alter tente d’imiter les gestes de Moriyama mais les limites de sa conception et celle de ses capteurs créent des mouvements maladroits et irréguliers. dans la plus grande intimité, Moriyama calque ses mouvements sur ceux du robot, s’adresse à lui, et la fusion s’opérant entre les deux protagonistes donne bientôt naissance à une troisième chorégraphie. Il ne s’agit pas d’une leçon sur la gestuelle humaine, mais de la genèse d’une nouvelle forme de communication à travers l’intrusion mutuelle du calcul arithmétique du robot et des mouvements corporels de l’homme. advient alors un écosystème aux nouvelles possibilités, dans lequel l’homme et l’ia coexistent.

Yuko Hasegawa

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Press: https://www.la-croix.com/Culture/Expositions/meandres-raffines-lart-japonais-2018-07-21-1200956728

http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2018/04/06/03015-20180406ARTFIG00305-les-japonismes-dans-l-air-du-temps.php